La guerre sans merci que les terroristes intégristes ont mené entre 1993 et 1997 contre les journalistes s'est soldée par un bilan effarant que nul autre pays que l'Algérie n'a connu à ce jour : près d'une centaine de journalistes et travailleurs des médias assassinés. Depuis l'attentat meurtrier commis contre le journaliste et écrivain Tahar Djaout le 26 mai 1993, les terroristes ont mis en application, de manière systématique, un programme d'épuration des membres de la famille journalistique résumé par le sinistre slogan des Groupes islamiques armés : "Ceux qui nous combattent par la plume périront par la lame".
Le summum de l'horreur fut atteint le 11 février 1996 lors de l'attaque à la voiture piégée de la Maison de la Presse Tahar Djaout qui la détruisit en grande partie. Cette attaque commise en plein mois de ramadhan coûta la vie à trois journalistes du quotidien Le Soir d'Algérie dont les locaux furent entièrement soufflés. Elle causa aussi la mort de plusieurs citoyens de passage à la rue Hassiba-Ben-Bouali.
Cette attaque visait à anéantir le moral des journalistes pour les amener à cesser de pratiquer leur devoir d'informer. Le résultat atteint fut à l'exact opposé du but recherché. Passé le moment de stupeur, les journalistes décidèrent de continuer leur mission. Le travail, un moment interrompu, fut repris et les trois quotidiens touchés, Le Soir d'Algérie, Le Matin et L'Opinion, dans l'incapacité physique de paraître, trouvèrent refuge dans les autres journaux sous forme d'une page quotidienne.
Ce fut l'une des plus belles leçons de solidarité que les journalistes donnèrent de leur corporation face à l'adversité. L'auteur qui a vécu en acteur engagé la décennie 1988-1998 dresse un tableau vivant mais sombre de cette période charnière qui a vu le basculement d'un système de parti unique fermé à un système multipartite ouvert où les journalistes algériens ont joué un rôle décisif pour la liberté de la presse et la liberté d'expression en payant un lourd tribut.