Cette thèse étudie les usages de la notion de concurrence dans le discours juridique. Prenant pour objet un champ généralement considéré comme technique - le droit des pratiques anticoncurrentielles -, elle entend démontrer comment le droit de la concurrence participe de façon prégnante à l'institutionnalisation de la concurrence, comprise à la fois comme ensemble de pratiques d'entreprises et comme fait politique.La notion de concurrence reste étroitement assolée, au travers du bien-être du consommateur, à l'intérêt général. Or, comme l'analyse du discours juridique en témoigne, la pratique ordinaire des affaires reste éloignée de cette image : cartels, monopoles, oligopoles, monopsones constituent le quotidien des structures de marchés auxquelles les autorités de la concurrence et les juges sont confrontés.Le droit de la concurrence s'attache pourtant à rendre cette réalité quotidienne socialement acceptable. Fondant la croyance dans les bienfaits naturels ou " régulés " de la libre concurrence, il fournit aussi aux acteurs économiques les ressources argumentatives nécessaires à la pérennisation de leurs stratégies concurrentielles. La technicité apparente de ce droit ne doit pas dissimuler les termes d'un débat éthique par excellence.Le droit de la concurrence renvoie aux controverses quant à la définition d'un cadre politique adéquat de composition des intérêts. Les affects qui sont à la source du phénomène concurrentiel peuvent autant engendrer sa prospérité que le détruire. Reste à savoir s'il est possible de les dominer, et de quelle manière.